À celui ou celle qui cherche aussi dans les replis du temps,
C’est une histoire de mémoire qui pulse encore, comme un cœur transplanté qui continue de battre dans une glacière bleue traversant la France à toute vitesse, sauf que là, c’est un livre qui voyage dans le temps, qui se fragmente et se reconstruit, un livre dont les pages se sont délitées dans ma conscience comme du papier dans l’eau de mer, ne laissant que des fragments, des sensations, une empreinte qui refuse de s’effacer complètement – tu sais, comme ces traces de pas sur le sable que la vague n’a pas tout à fait effacées.
Je me souviens de la première fois où j’ai refermé « Réparer les vivants », ce moment où le temps s’est suspendu, où les mots continuaient de résonner comme une note tenue, longue, vibrante, et puis le temps a passé, a déposé son voile sur ces sensations premières, et maintenant je me retrouve là, à vouloir comprendre ce qu’il en reste, ce qui survit quand tout s’est presque effacé. Alors j’ai commencé ce voyage, cette plongée vertigineuse dans les strates de ma mémoire, mais pas seule – j’ai embarqué dans cette marée montante de calculs et d’algorithmes, ces machines qui traduisent des mots en images, qui pourraient donner forme à nos réminiscences les plus imprécises.
Il y a quelque chose de fascinant à voir surgir sur l’écran ces images générées par l’IA, comme des méduses phosphorescentes dans l’obscurité de la mémoire : ici l’océan gris acier de la première scène, là une chambre d’hôpital baignée d’une lumière blanche et clinique, plus loin encore la texture d’un océan protéiforme – chaque image est comme une tentative de la machine de matérialiser ce que mon cerveau n’arrive plus à saisir complètement, de donner corps à ces impressions qui glissent entre mes doigts dès que j’essaie de les attraper, de les incarner.
Ce qui me fascine, c’est cette danse entre ce qui reste et ce qui se crée, entre la mémoire organique et la reconstruction numérique. Car il ne s’agit pas de retrouver le livre tel qu’il était, cette quête serait vaine, impossible, mais plutôt de comprendre comment une œuvre continue de vivre en nous quand les mots exacts se sont évanouis, comment elle se transforme, se métamorphose, devient autre chose tout en restant profondément elle-même dans son essence première. C’est un peu comme ces vagues qui, inlassablement, modèlent le rivage : chaque ressac emporte un peu de sable, en dépose ailleurs, crée de nouvelles formes, et pourtant la plage reste intrinsèquement la plage.
J’ai créé cet espace, ce laboratoire expérimental de la mémoire où les images flottent comme des voiles, des fantômes de sensations, où les sons mi-organiques, mi-synthétiques créent une trame qui guide la traversée, où chaque visiteur peut naviguer entre les strates de cette mémoire augmentée. C’est un lieu où le temps n’est plus linéaire, divague et s’entrecoupe, où mes propres souvenirs dialoguent avec ces étranges réminiscences numériques. J’ai voulu que ce soit comme une respiration, comme le flux et le reflux de la mer : parfois les images sont nettes, précises, presque douloureuses de clarté, et parfois elles se brouillent, se fondent les unes dans les autres, deviennent abstraites comme ces pensées qui nous échappent au réveil, où on ne sait plus s’il s’agissait d’un rêve ou d’un cauchemar.
Cette expérience est aussi une forme de réparation, non pas des vivants cette fois, mais de la mémoire elle-même. Comme si, en acceptant que mes souvenirs du livre soient incomplets, fragmentés, et en les nourrissant de ces nouvelles technologies, je créais quelque chose de nouveau, quelque chose qui n’est ni tout à fait le livre original, ni tout à fait une œuvre nouvelle, mais un espace entre les deux, un lieu de métamorphose où la mémoire devient création.
Je garde des traces de ce voyage : les ombres figées des images, où chaque spécimen serait une tentative de capturer un souvenir, une mélodie en squelette de sons, des notes griffonnées à la hâte quand une sensation du livre original resurgit soudainement. Mais l’essentiel n’est pas là, pas dans ces artéfacts tangibles. L’essentiel est dans ce mouvement, cette oscillation permanente entre ce qui fut et ce qui est, entre la mémoire humaine et l’interprétation artificielle, artificieuse, entre le personnel et l’universel.
C’est une expérience qui continue de se déployer, comme une vague qui n’en finit pas de déferler. Chaque visiteur y apporte ses propres souvenirs, ses propres lectures, créant de nouvelles connexions, de nouvelles résonances. Et peut-être que c’est ça, finalement, le véritable cœur de ce projet : non pas tant la préservation d’une mémoire unique que la création d’un espace où les mémoires peuvent se rencontrer, se mêler, se transformer.
Je te laisse avec cette pensée, comme une bouteille jetée à la mer. Peut-être qu’un jour, toi aussi, tu créeras ta propre cartographie d’un livre qui t’a marqué, qui continue de battre quelque part en toi comme un deuxième cœur.
Dans les remous du temps et de la mémoire,
Margot

Mon rendu au terme de ce semestre d’exploration de ma mémoire au prisme des intelligences artificielles consiste en une édition papier et un format audio qui l’accompagne pour plonger celui qui découvre ma démarche expérimentale dans un style d’écriture singulier et des images donnant substance aux sensations éprouvées lors des réminiscences.
Le résultat final peut paraître bancal, mais est pour moi témoin du fait que les intelligences artificielles sont de bons collaborateurs lorsque l’idée qui leur est donnée par l’humain est claire, ce qui était partiellement mon cas…
Ce que je propose est une histoire qui commence dans l’omission et beaucoup de questions que hantent mon esprit créatif.
Réparer les vivants, ce livre qui bat encore quelque part dans la mémoire, devient une obsession. Je me demande si les réseaux de neurones synthétiques peuvent m’aider à traduire mes réminiscences et jusqu’à quelle portée ?
Accepter que mes souvenirs du livre soient fragmentés, les nourrir de ces algorithmes pour créer quelque chose de nouveau : un lieu de métamorphose où la mémoire accompagnée des outils génératifs (Claude, Chatgpt, Midjourney, Luma…) devient création. Il s’agit d’un mélange de visuels, de paroles et de symboliques qui tentent d’entourer des sensations trop floues.
Parce qu’il s’agit bien, oui d’une recherche de sens dans les méandres obscurs des processus de la mémoire. Rien ne me pousse à atteindre à nouveau cet état d’immersion, de transcendance ressenti au moment où le livre venait d’être fermé et complètement vécu. Je propose une nouvelle expérience de cette lecture passée, peut-être par une réécriture de ce qui reste en moi, ce qui a subsisté des tempêtes et remous de la vie. Ce n’est donc pas une recherche accrue de fidélité à une réalité et un monde littéraire oublié, cette quête serait impossible. Mais plutôt l’ambition de s’interroger sur sa mémoire, ses images mentales et de s’immerger autrement grâce aux intelligences artificielles. C’est une confrontation de biais antagonistes, qui crée un mélange hétérogène de prismes, une houle d’éléments disparates dont l’assemblage parfois hasardeux mène au déploiement d’un nouveau monde.
Bonne découverte de cet univers à vous, sentez-vous libres d’y apporter votre grain de sel !

