
Tout est parti d’un contact avec l’eau, les gouttes d’eau tombant du pommeau de douche._
Ces sensations physiologiques avec l’élément H2O véhiculent une étincelle dans mon cerveau, titillent une partie de mon esprit, cherchent une résonance dans ma mémoire.
Tout apparaît comme une évidence, je suis projetée dans l’univers d’une histoire que je connais.
Réparer les vivants, c’est ça, je me rappelle de cette lecture, le monde imaginaire qui se construit en moi, les couleurs, les lumières, l’humidité, l’angoisse… L’histoire ? Non.
Non je crois que je ne sais plus, je crois même que je ne me pose pas la question du récit._
Ce sont les procédés stylistiques de Maylis de Kerangal qui me reviennent en pleine face. Je me souviens des accumulations, des descriptions si chirurgicalement étayées, du vocabulaire précis et sinueux à la fois. Je fais le lien avec les autres œuvres de l’autrice, de cette répétition d’un style si singulier. Un paradoxe entre objectivité et abstraction des sujets.
J’ai aimé à chaque lecture, autant l’histoire contée, que la manière employée pour le faire et construire un univers si précieux à l’expérience de la lecture. Des mots qui se déploient dans ma tête et développent des objets symboliques, tissent des liens, poudrent les scènes, cadrent les sensations…
_Comment l’IA aborderait ce style d’écriture si fin ?
Voilà le point de départ à l’élaboration d’un projet personnel dans le cadre du studio expérimental sur les intelligences artificielles. Serait-ce possible de produire une transcription sensible d’un univers littéraire au travers d’algorithmes ?
En somme, toute expérience de lecture est accompagnée et enrichie par la sensibilité propre au lecteur, alors plusieurs axes de réflexion émergent :
_Comment l’intelligence artificielle interprète-t-elle la littérature sans sens humain ?
_Ne pourrait-on pas l’orienter afin de recréer l’atmosphère que nous projetons sur un récit ?
A cela, j’ai alors pris le sujet de manière chronologique, pourquoi ne pas profiter de ce flou inhérent aux images qui me reviennent de ma lecture pour constituer le motif de mon projet.
Seuls ont été convoqués des souvenirs sensoriels à propos du livre, j’ai donc envie de travailler sur un dialogue confrontant différentes interprétations plus ou moins fumeuses et nébuleuses d’une lecture. Je mets ainsi en place un procédé en 4 paliers de perceptions afin de proposer un projet à 4 voix.
J’ai donc établi un sommaire dont l’ordre vise à conserver la part subjective et mouvante de la mémoire en aboutissant à la possible fusion de perceptions :
_mes souvenirs propres, les moins altérés possible
_un premier degré d’interprétation visuelle par l’adaptation filmique
_jouer avec la mémoire superficielle de l’IA
_confronter l’oeuvre brute sous un nouvel oeil